Palombe&tradition N°85
Numéro d'HIVER
2024
SOMMAIRE
4 L’écho des Cabanes…
8 L’écho des Assos…
10 MIGRATION 2024
-10- Un tsunami de bleues
-20- Italie - Une saison à oublier !
-22- Les paloumayres racontent leur migration...
28 TRADITIONS - Le cochon barbu de Saint-Léger
30 LA PENSEE DU TRIMESTRE - Comment peut-on concilier Palombes et Mathématiques
31 Bilan du baguage LibAir’Nay
32 CALENDRIER 2025 du paloumayre
34 Palomb’en BD
35 HISTOIRE - Le Droit de Chasse
36 DOSSIER TECHNIQUE - Réussir l’élevage de ses mulets
40 PAROLES DE PALOUMAYRES - Jean-Luc Buty perpétue une tradition familiale
42 DOSSIER - Les éoliennes modifient-elles les couloirs migratoires ?
50 AUTOUR D'ELLES... - A vous qui n’avez jamais connu ça…
52 ANECDOTE - A la chasse aux punaises
54 CHIENS - Encore des interdictions dans l’air
56 « LA TÊTE DANS LE CIEL... » - Les palombes de Haute-Soule (suite 2)
59 Le coin du bibliophile
60 LES RECETTES DU PALOUMAYRE
Edito
Je n’ai jamais vu ça !
"
Incroyable, ça fait 40 ans que je chasse et je n’ai jamais vu ça ! » Voilà le genre de phrase qu’on pouvait entendre un peu partout ou que l’on pouvait lire sur les réseaux sociaux.
Mais en fonction de l’endroit où chassaient les paloumayres, ce constat général « Je n’ai jamais vu ça ! » se teintait de nuances diverses. Il pouvait aussi bien être accompagné d’un « magnifique ! », « extraordinaire ! », « des vols immenses ! », « j’en ai pris plein les yeux ! » que d’un
« catastrophique ! », « le vide sidéral ! », « c’est la misère ! », « on ne voit pas la queue d’une ! ». En effet, quel que soit le lieu où se trouve votre installation, cette migration 2024 ne vous aura pas laissé indifférent. D’immenses et innombrables vols ont déferlé principalement des Vosges et du Jura pour alimenter une énorme canalisation installée entre Périgueux et Cazaubon.
Pendant 5 jours, du 20 au 24 octobre, dame palombe a ouvert les vannes du bonheur - la plupart du temps pour le plaisir des yeux- pour remplir le réservoir gersois, au nez et à la barbe des paloumayres landais, qui parfois à 20 km de là, étaient contraints à une interminable attente. Chaque matin, l’espoir renaissait mais il était très vite suivi d’une désillusion insupportable : l’observation d’un ciel désespérément vide.
Les Landais n’ont pas été les seuls oubliés par cette vague bleue. Le sud Gironde, le Médoc, une partie du Gers, du piémont pyrénéen, du Sud-Est, mais également tous les départements du Nord de la France ont vécu la même galère et pouvaient se donner la main pour se soutenir.
Autres lieux, autres déferlantes. Les 6 358 904 palombes dénombrées aux entrées principales de l’Hexagone ont alimenté le pourtour méditerranéen via l’Italie, la vallée du Rhône, la vallée du Lot, le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne.
La migration 2024 aura donc tenu toutes ses promesses, c’est-à-dire ne pas se dérouler comme on l’imaginait. Dans le numéro d’automne, je vous prédisais une certaine similitude avec l’année 2021. En fait, il semblerait qu’elle ait plutôt ressemblé à 2022. Jean-Patrick Barnabé et moi-même avons décidé de nous partager le goudron et les plumes, chacun ayant eu une part de vrai et de faux dans ses prévisions de la saison migratoire.
A l’analyse de ce mouvement présentant des zones à fort trafic et des secteurs totalement ignorés, nous avons cherché à comprendre ce qui pourrait perturber ces couloirs migratoires. Panneaux photovoltaïques, antennes- réseaux à 5G, éoliennes, toutes ces nouvelles installations sont susceptibles de désorienter les palombes. Notre choix s’est porté sur les éoliennes qui auraient vraisemblablement un impact très important sur le comportement des colombidés à leur approche. Un ensemble de sept pages est consacré à ce sujet.
A ce jour, tous les appelants sont revenus dans leurs pénates, les filets sont démontés et pendus à l’abri des rongeurs, la cabane est nettoyée, la batterie qui sert à l’éclairage est débranchée… Il est temps de penser à l’après, aux futurs travaux bien sûr, mais aussi aux volières. Sur ce dernier point, Nicolas Buoro vous propose un dossier sur les bonnes pratiques pour réussir l’élevage des mulets.
Certains seront découragés, mais dites-vous bien que celle qui anime notre passion nous surprendra chaque année. Le meilleur exemple est la vallée du Lot, si chère à notre regretté Pierre Verdet, qui l’avait quittée à contre-cœur pour la Dordogne parce que les belles bleues ne venaient plus lui rendre visite sur son territoire. Après une longue période de disette, depuis 2021, ce couloir se réalimente chaque année un peu plus. Au niveau de ce département, la saison 2024 aura signé le retour à la normale.
Avec dame palombe, rien n’est définitif, rien n’est fixe et rien n’est gagné d’avance.
Et pourtant, pourtant… entre nous…qui n’est pas prêts à la défier encore en octobre 2025 ?
Joël Barberin, Directeur de la publication
- Dossier Migration 2024 -
Un tsunami de bleues
La migration 2024 restera unique dans la mémoire des paloumayres par son intensité et par le volume d’oiseaux qui a déferlé sur notre pays. Pas moins de 6 millions de palombes ont été comptées aux portes de la France
© Photo Ch. Coularis
Un tsunami bleu s’est abattu cet automne sur notre pays. Les chiffres des postes de comptages que nous avons sélectionnés font tourner la tête. En 4 journées, les 14, 17, 21 et 23 octobre, 3,7 millions d’oiseaux sont rentrés en France, soit 191 603 de plus que sur l’ensemble de la saison 2023, qui était jusque là l’année record sur ces mêmes postes.
Un lent démarrage
Les premiers mouvements migratoire de palombes ont été observés entre la Suède et l’Allemagne les 2, 3, 4 octobre et dès le lendemain, 20 000 palombes étaient comptées en Belgique et les premières arrivaient en Seine-et-Marne. Au même moment, des mouvements étaient observés dans le sud-Est de la France et un chasseur Espagnol participant à une opération de baguage du coté de Barcelone a pu également voir passer une dizaine de vols de 50 à 80 individus.
Le 6, les premiers vols arrivaient alors en Dordogne et les belles continuaient à rentrer par la Belgique et l’Alsace. Au 7 octobre, près de 70000 oiseaux avaient passé la frontière contre 1000 à la même date en 2023. Ceci pouvait présager d’un passage précoce dans le Sud-ouest... il n’en fut rien.
Le temps perturbé avec ces pluies torrentielles d’abord dans le sud-est - ce ne sera malheureusement pas les dernières pour eux- , puis sur le nord avec Kirk, le lendemain, a mis un terme à la fête. Les seuls déplacements observés l’ont été loin, en Lituanie, où près de 10 000 palombes provenant de Finlande via l’Estonie et la Lettonie ont traversé la lagune de la Vistule en direction de la Pologne.
En France, elles n’ont alors presque pas bougé une plume jusqu’au 11 octobre. Ce jour-là, les vannes se sont légèrement ouvertes et « Domi 19 » fidèle au poste sur le plateau de Millevaches déclarait : « Cette fois, c’est bien parti, ça devrait démarrer demain de bonne heure », et il avait raison.
Le 12 octobre fut une jolie petite journée de passage dans le sud-ouest avec un axe de couloir migratoire passant à l’Est de Périgueux et Bergerac, Marmande, Casteljaloux, et l’est de Mont-de-Marsan.
Une cabane dans le Gers, à la limite des Landes, a compté 100 vols ce jour-là [...]
- Dossier Technique -
Réussir l’élevage de ses mulets
Né d’une hybridation entre un pigeon et une palombe, le mulet peut être un atout particulièrement intéressant dans les mains du paloumayre, cependant son élevage est fastidieux et il y a quelques règles primordiales à respecter afin de le réussir
© Photo N. Buoro
Commençons par le commencement, c’est-à-dire le choix des géniteurs…
Le paloumayre aura tout le plaisir à essayer de marier son plus beau pigeon bleu de Gascogne mâle et sa plus belle palombe femelle, l’inverse ne fonctionnant pas.
La volière
Le repérage fait, dès le mois de février, il faudra isoler nos deux oiseaux dans une volière spécialement dédiée. L’isolement étant une des clés principales de la réussite.
Cette volière n’a pas besoin d’être spacieuse, bien au contraire, 2 mètres de long par 1 mètre de large sur 2 mètres de haut suffisent amplement.
Deux nichoirs placés à différents endroits, dans les angles bien abrités, le plus haut possible et de construction sommaire, permettront à notre couple d’y confectionner leur nid.
Pour les « matériaux » de construction, j’ai pour habitude de mettre plusieurs poignées d’aiguilles de pin et de [...]
- Dossier -
Les éoliennes modifient-elles
les couloirs migratoires ?
Dans un souci toujours plus vertueux, les États européens ont enclenché depuis deux décennies « la transition énergétique ».
Pour en finir avec les énergies fossiles considérées comme trop polluantes, des éoliennes toujours plus grandes ont poussé comme des champignons en France et partout en Europe
En 2024, pas moins de 103 370 éoliennes sont implantées en Union Européenne. Rien qu’en France, ce sont 2262 parcs éoliens, soit 9266 éoliennes. Un nombre qui a doublé en 10 ans. La hauteur moyenne des éoliennes est comprise entre 120 et 150 mètres avec des pales mesurant entre 40 et 60 m, mais la tendance est au gigantisme puisque vont bientôt être mises en service à Andilly-Les-Marais en Charente-Maritime des machines de 200 mètres de haut équipées de pales de 81 m, ce seront les plus grandes de l’Hexagone. C’est une entreprise chinoise qui détient le record mondial grâce à un « ventilateur » qui a un rotor de 292 mètres de diamètre, soit l’équivalent de la surface de 9 terrains de football.
Nous ne nous étendrons pas sur le bien fondé énergétique ou pas de ces installations, en revanche, on peut se demander si ces géants de béton, de métal et de fibre ont un impact sur la migration des oiseaux et en particulier sur notre belle bleue, la palombe. Une étude de la LPO (Ligue Protectrice des Oiseaux) révélait il y a quelque temps qu’en moyenne chaque année, une seule éolienne était responsable de la mort de 7 oiseaux. (723 590 oiseaux périssent donc en Europe chaque année sous le coup d’une pale). Mais ces géants que voulait combattre Don Quichotte au XVIIème siècle, ont-ils une conséquence sur les couloirs migratoires ?
Impact des éoliennes sur la migration
D’après plusieurs études, les parcs éoliens ont un impact considérable sur la vie des avifaunes : Modification de l’habitat ou des comportements lors des déplacements locaux et bien sûr les perturbations causées lors de la migration. Même si les deux premiers ne sont pas négligeables, le dernier point est de loin celui qui est le plus problématique.
En 1991, l’étude scientifique de Pedersen & Poulson réalisée au Danemark sur une éolienne avec un rotor de 60 m a démontré grâce à des détections radar que la plupart des oiseaux identifiaient les pales en rotation et modifiaient leur couloir ou la hauteur de leur vol entre 100 et 200 m avant d’arriver sur le site.
Le rapport « Impact des éoliennes sur les oiseaux » de 2004 de l’ONCFS indique même qu’en conditions normales, « les oiseaux ont manifestement la capacité de détecter les éoliennes à distance (environ 500 mètres) et adoptent un comportement [...]